LE LOT LA RIVIÈRE TRANQUILLE

entre St.Cirq Lapopie et Cahors

Chaque rivière a sa personnalité et celle-ci évolue tout au long de son parcours.
Lorsque le Lot atteint Saint-Cirq-Lapopie il est déjà d’âge mûr, formant sereinement des méandres sinueux, se ré-oxygénant tous les deux ou trois kilomètres dans une folle précipitation par-dessus les chaussées.
Les galets et rochers qu’il a fait rouler du Massif Central durant des dizaines de milliers d’années ont tranché verticalement la roche calcaire laissant apparaître d’imposantes falaises qui luisent tels des caractères calligraphiques sur les pentes vertes.
Le Lot coule si lentement qu’il est possible de nager à contre courant.
Des joncs, des carex et des touffes de salicaires poussent sur les bords de l’eau. De majestueux peupliers noirs dominent la rivière et des aulnes ancrés sur les rivages s’étendent au-dessus de l’eau. Des rubans de terre alluviale rose alternent les champs de blé, de tournesols ou de tabac avec les granges en pierre et les fermes aux toits de tuiles rouges.
Ce paysage change sans cesse et ces changements sont démultipliés par les reflets.
Parfois, lorsqu’il a beaucoup plu en amont, dans le Cantal la rivière coule rouge de sédiments. Pendant un ou deux jours, on baigne dans un monde psychédélique de rouges et de verts dans lequel les ombres deviennent pourpres.
Une brise murmurant dans le bosquet de trembles fera retourner les feuilles des aulnes de façon à ce qu’elles scintillent comme du vif argent. Troublant la surface de l’eau elle efface le monde à l’envers le remplaçant par un vibrant plan de mercure qui s’étend jusqu’à la berge opposée.
Et tout le long de la rivière, la lente rotation de la Terre allonge les ombres.
Les arbres qui, quelques minutes auparavant, étaient incandescents au soleil, disparaissent.

Ces quelques kilomètres de rivière tranquille du Sud-Ouest de la France irriguent ma vie de peintre.

Jeffery Stride, Vers.
Janvier 2014